Glu - Irvine Welsh (2001)

Publié le par Bardamu



« La culpabilité et la baise, ça fait la paire, comme le fish and chips. La culpabilité et la bonne baise. En Ecosse, on a la culpabilité catholique et la culpabilité calviniste. C’est peut-être pour ça que l’ecsta marche si bien par chez nous. J’en parlais avec Carl au pub et ce con me répondait que les plaisirs illicites sont toujours les plus agréables. Et c’est vrai. Pour moi, le problème, c’a toujours été la fidélité. L’amour et le cul, c’est pas pareil, la plupart des mecs seront d’accord mais préféreront vivre dans le mensonge. Et quand la vérité éclate, c’est le bordel. »

 

« Mais ce matin, ça lui prenait sérieusement la tête. Il passa sous la voie rapide et s’approcha du centre commercial, et il avait l’impression de voir le quartier à travers les yeux d’un de ces connards tout droit sortis d’une école privée, ceux qui écrivent des conneries dans les journaux, des trucs sur leurs inquiétudes sociales. Des merdes de chiens partout, du verre brisé, des tags, des mères shootées au Valium derrière les poussettes de leurs mômes braillards, des poivrots, des jeunes désœuvrés en quête de cachetons ou de poudre. Terry se demanda si c’était la déprime, ou bien si c’était parce qu’il n’était pas venu faire ses courses dans le coin depuis un bout de temps. »

 

« Le cerveau de Carl était en surchauffe. Si seulement il pouvait se synchroniser avec son corps. C’était la torture des gueules de bois et des détripages. Ca poussait l’esprit et le corps dans deux directions diamétralement opposées. Carl pensait à l’illusion de l’amour, qui s’évapore avec notre jeunesse mourante. Si vous n’y prenez pas garde, la laideur du pragmatisme et des responsabilités finit par vous amocher, comme les vagues océanes érodent les rochers. Quand on les voit sur l’écran de télé, ils nous disent Faites ceci, faites cela, ou bien, Achetez ceci, achetez cela, et nous, on reste à la maison, perdus, fatigués, terrorisés : c’est à ce moment qu’on sait qu’ils ont gagné. L’idéal est mort, ce n’est plus qu’une question de vendre davantage et de contrôler ceux qui ne peuvent pas se permettre de consommer. Plus d’utopie, plus de héros. Ce n’est pas une époque passionnante, comme ils essaient sans cesse de nous le faire croire. C’est une époque chiante, exaspérante, futile. »

 

 

C’est l’odyssée trash de 4 jeunes écossais des cités miséreuses d’Edinburgh. Les coups d’un soir pour le queutard, le loser qui rêve de son dépucelage, le boxeur talentueux qui suscite les convoitises, le suiveur, complètement à la ramasse…bastons, larcins minables, coups de lames les jours de derbys entre supporters protestants et cathos, quêtes irrépressibles de bimbos à butiner, de coup de speed…tous les prétextes pour choper un coup d’adrénaline et voir passer les jours un peu plus vite dans le carnage ambulant des gangsters, des vieux pubs en briques défoncées aux fauteuils sentant la sueur et l’urine, des familles triplement recomposées…

 

C’est l’auteur de Trainspotting qui tisse cette belle toile désespérée, ces quatre briscards se partageant les emmerdes, les pilules, les cuites, même les filles. C’est torturé et humaniste à la fois, ces gamins qui se déchaînent pour survivre ; on suit leurs errances en espérant qu’ils s’en sortent pas trop mal, au début. Et puis, petit à petit, on espère qu’ils s’en sortent juste en vie.


Publié dans Livres

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