Southland Tales - Richard Kelly

Publié le par Bardamu





J’ai du mal à décrire l’atmosphère extravagante de ce film qui pour moi est une œuvre qui restera très longtemps comme le film post 11 septembre. Il dilue l’ambiance Orwellienne, la paranoïa généralisée, les lois liberticides résultant de ces attaques dans une histoire d’anticipation aux ramifications infinies !

 

La 3ème guerre mondiale, l’épuisement des ressources naturelles, les réseaux virtuels, vitrines des propagandes, outils implacables des fascisantes puissances, la guerre civile, la lutte des pouvoirs dans un cadre révolutionnaire ; les décors apocalyptiques dans lesquels s’animent des savants fous, une star du porno, une vedette de cinéma, des jeunes déjà vétérans de guerre,  des illuminés, des maniaques de la gâchette et même…Christophe Lambert !

 

Richard Kelly, le réalisateur, a eu le réflexe très tarantinien de distribuer les premiers rôles à des acteurs, selon lui « sous-employés » ou, selon le commun des mortels, « has been » ou « out of place ». Jugeons du peu : Justin Timberlake, The Rock (un catcheur très connu déjà vu dans La Momie - rien à voir avec La Môme, sauf, admettons, à la fin du film), Sarah « Buffy » Michelle Gellar, Sean William Scott (un des benêts de la saga situationiste American Pie)…et ils sont tous très bons !

 

Au début, c’est un peu agaçant ; on ne saisit pas toute les données…trop de personnages, trop de contextes différents, trop de détails inexpliqués…et puis, peu à peu, les pièces du puzzle se multiplient. Il faut dire aussi que le film est un grand fourre-tout Warholien (une référence admise de Kelly) où les citations littéraires (TS Eliot) se disputent aux mysticismes (les tatouages de The Rock représentent les religions), à la télé-réalité, à la grande orgie des écrans, miroirs virtuels, pays des merveilles de l’égocentrisme comme des manipulations d’images, de contrôle des populations, aux paradis artificiels, à La Cène, aux Pixies, à l’onirisme (l’incroyable scène du lance-roquette), à l’inconscient, aux dérives scientifiques, à notre planète agonisante…

 

Il va me falloir de multiples visionnages avant de cerner un peu mieux la substantifique moelle du propos mais c’est un film magnifique, humaniste et misanthrope à la fois, terriblement actuel, aux résonnances absurdes et surréalistes…au dénouement sublime et grotesque…

 

 

 

 

 

 


 

Ps : En plus de tout cela, le film a une bande-son particulièrement agréable : Black Rebel Motorcycle Club, Beethoven, Jane’s Addiction, Muse ; voici un entretien pour Dvdrama (allez voir leurs papiers sur le film, ils sont de qualité)

 


Comment a été travaillée la bande-son de Southland Tales


Déjà, nous avions plus de moyens que sur Donnie Darko. Ensuite, il y a Moby dont la musique constitue le véritable pouls du récit. Elle a quelque chose de très sud-californien évoquant aussi bien Malibu que Vénice et distille l'atmosphère futuriste et aérienne que je souhaitais dès le départ. Le cinquième chapitre de Southland Tales s'appelle Memory Gospel, en référence au morceau de Moby. C'est un artiste dont j'apprécie beaucoup le travail et l'histoire veut qu'il soit né un 11 septembre et que le jour de son anniversaire, il ait vu de son balcon à New York les deux tours du World Trade Center s'effondrer. Je choisis mes bandes-sons en fonction de l'époque où se déroule le récit.. Dans Donnie Darko, on n'avait pas pu avoir tous les morceaux new-wave que nous voulions et j'avais fait appel à Michael Andrews pour accentuer l'atmosphère. Dans Southland Tales, on entend également une version surf de Wave of Mutilation, des Pixies, une influence pop du film. J'ai écrit une scène entière avec cette chanson en tête. Je voulais qu'il y ait du Muse, un de mes groupes londoniens préférés. Le morceau Bliss me retourne la tête et le refrain me donne à chaque fois la sensation de tomber dans le vide. J'aime beaucoup leur répertoire et j'ai utilisé l'une de leurs ballades lors d'un passage très mélo avec Sarah Michelle Gellar et The Rock. Je reste intimement convaincu que leurs morceaux les plus lents sont aussi les plus beaux. L'utilisation de la musique peut également se faire de manière détournée, dans les dialogues. Par exemple, une discussion entre The Rock et Mandy Moore respecte littéralement les paroles d'un tube de Jane's addiction, Three days. C'est la chanson que je préfère au monde et que j'écoutais en boucle lorsque j'étais à la fac. Elle parle des trois derniers jours avant la fin du monde, soit la période couverte par le film. Lorsque dans la chanson, on entend les paroles «The shadow of the morning light» (l'ombre de la lumière du matin), je me représente dans la tête la faille temporelle et l'inter-dimension. Autrement, la salle de jeux « Fire Archive », le lieu où les soldats viennent décompresser et qui servira de décorum à la séquence musicale de Justin Timberlake, tire son nom d'un autre groupe que j'adore, Archive Fire. Enfin, sur scène, pendant la fête de fin du monde dans le mégazeppelin, le personnage du Baron joué par Wallace Shawn reprend la chorégraphie du Vogue de Madonna avec Bai Ling. Je trouvais amusant que pour un personnage aussi détestable et poseur que lui, il aime «prendre la pose» (en anglais, "strike the pose", allusion aux paroles du tube de Madonna). Sinon, je voulais Rebekah Del Rio, que j'avais vue dans une scène très marquante de Mulholland Drive. Ça, c'est clairement un clin d'oeil à David Lynch.

 

 

Je terminerai en vous encourageant à regarder Donnie Darko, sur un sujet similaire mais tout aussi riche ; le prochain film de Kelly sort cet automne avec une bande-son réalisée par…Arcade Fire !

Publié dans Cinéma

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