La Tétralogie du Monstre - Enki Bilal

Publié le par Bardamu







4?

L'ultime volet de la Tétralogie du Monstre dissipe les derniers mystères planant autour de la figure de Warhole, hybride "être venant d'Ailleurs - oeuvre d'art" cherchant d'abord le mal absolu, puis le bien, puis "l'art de l'art" (si on puit dire) . Autour de lui, le ballet schizophrène de la personnalité de Nike (enki?), d'Amir et de Leyla. L'un voit des placodermes (néo micro race frétillante de gracieux requins marteaux flottant dans son regard halluciné), les deux autres se cherchent en d'improbables romances. Ils sont nés en même temps à la fin du siècle dernier, à Sarajevo. Au dehors, les snipers et la fumée des bombardements. Alors, la promesse revenant à l'exceptionnelle faculté mémorielle de Nike : toujours être ensemble et assurer leur protection.

L'histoire est d'une complexité rare et il est recommandé de ne pas s'aventurer dans ce dernier tome sans avoir compris les trois précédents. Au delà du contraste étrange de "Rendez Vous à Paris" qui pêchait un peu au niveau du scénario face à une maîtrise graphique absolument inouïe de virtuosité, de traits torturés, de couleurs saillantes et de figures écorchées vives, celui ci arbore un peu plus de sobriété à tous les niveaux.

Les thèmes de la saga y gagnent en intensité :
- la guerre
- les intégrismes
- la mémoire universelle
- l'écologie (voir la carte du monde)
- la manipulation de la pensée (par les sectes médiatiques entre autres)
- le sport et la religion entremêlés
- la science fiction ( plutôt sobre et avec l'originalité de proposer un bestiaire et un cycle interne à l'histoire: mouches, girafes, chats, poissons...au contraire d' inventer des humanoides à 4 têtes, de couleurs vertes fluos, etc.)
- les références multiples et diverses (qui vont de Loft Story à Godard)

La curiosité, c'est que la dernière page de l'album résout à peu près tout en quelques lignes fugaces. Pourquoi le faire par des phrases et non pas des dessins ? L'origine de Warhole contée et qu'on ne dévoilera pas aurait mérité une narration picturale. Bilal clôt le chapitre sur une fin ouverte et sur la promesse d'un nouveau rendez vous. L'histoire, au cours des 4 volumes, n'a cessé de zigzaguer dans des sentiers tortueux, rebondissements incessants, trompe l'oeil, ré utilisation d'une tradition edgar p. jacobsienne du travestissement (les postiches de Tintin ou de Blake et Mortimer sont ici remplacés par des nano greffes, du cyber-déguisement en quelque sorte auquel vient se rajouter le clonage). Cette trame compliquée exige moult relectures de l'oeuvre avant de se livrer enfin. Quant aux interprétations sur Warhole, elles constituent en fait, une permanente interrogation qui varie à chaque approche. Si l'on conjugue en plus le dessin, la gouache, les pastels convulsés propres à Bilal on pardonne les errements scénaristiques et le degré élevé de complexité. La folie ambiante, les thématiques très modernes, la science sans consciences, l'Art et ses recherches perpétuelles...12 ans de travail forcené prennent fin ici. Une magnifique épopée futuriste hautement recommandée.



Publié dans BD Comics Mangas

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