Eurockéennes de Belfort - 4 et 5 Juillet 2008

Publié le par Bardamu




Vendredi :

« Chanson dédicace pour le petit Nicolas : tout le monde lève le doigt en l’air, s’il vous plait ». Kenny arkana fait la chauffeuse de salle. Sous le soleil bien puissant, elle enchaîne ses furieuses compos sur la rage du peuple, hé connard. C’est pas trop ma came mais elle se défend bien. Une demie heure et puis on se dirige vers la buvette « classe » du festival (qui a ce petit plus comparée aux autres buvettes de proposer quelques piquettes de rouge et de blanc, et du cidre – plutôt bon – à quelques mètres de là, un stand propose des crêpes à l’absinthe).

On se pose tranquillement. A l’autre bout de la table, un grand lascar s’écroule sur le banc. Un comateux, déjà. Son pote à dreads lui parle à l’oreille. Et puis il nous tance gentiment. Il vient de Metz. Il parle de sa mirabelle. On lui parle de notre calva. Entre lorrains et normands, Belfort rapproche les peuples.

Ils sont venus pour Arno, et quand je leur annonce qu’il est à la scène du chapiteau, à 5 minutes de marche, et que son set a commencé depuis 30 minutes, ils rassemblent le peu de forces qui leur reste pour grimacer. Monsieur over torché se lève, titube sur quelques mètres et s’affale entre l’échangeur de jetons et les urinoirs.

Sur la grande scène, on voit une vieille connaissance, An Pierlé. Et puis Koun, son ex, à la guitare. Camille arrive. Et puis après, Oxmo Puccino et Dédé Wampas, sans tenue d’apparat ni crête mais toujours aussi showman, il reprend du Kiss avec un plaisir évident. Olivia Ruiz, elle, reprend Dont Give Up des Noisettes. Ca fait bizarre mais ca passe plutôt bien. Daniel Darc s’attaque au requiem pour un con en le dédicaçant aussi à notre président. Ca fait un peu plateau de staracademy pour seconds couteaux indés mais c’est la bonne heure pour apprécier cette espèce de bal du camping des eurocks mi chanson francaise mi rock francais. On n’en abuse pas non plus.

 

L’heure arrive et comme c’est la tradition au camping des eurocks justement, il faut brailler « apéroo ». Après 5 heures de train, navettes, posage de tente (15 minutes d’installation, quel record), quoi de mieux que de siroter son mix whisky-jus multivitaminé devant chan marshall aka Cat Power, au chapiteau. Je digère à grande peine la tartiflette noyée d’huile dans les premiers rangs. Un set très similaire à sa prestation du Bataclan. Beaucoup de titres issus de Jukebox, pas trop de chansons anciennes ; elle force pas son talent, elle joue à la crooneuse. A la fin, elle poursuit son trip « je lance des fleurs à tout le monde à la fin de mon concert, j’aime la life, merci vous êtes trop cool ». Même en forçant pas, ca reste très joli.

On a la flemme de voir massive attack ; devant nous, un tsunami humain qui monte la butte pour se rassembler. Pour les avoir vu 2 fois, à chaque fois ce fut le même constat : pas terrible. Ben, on se rabat sur les sandwichs daumat à 2 euros. Pour faire mon vieux combattant, je regrette le temps des pyramides de baguettes que les bénévoles descendaient pour nous confectionner des thon mayos imbibés de particules d’ail qui nous faisaient des bonnes haleines de fennecs (toujours pratique au milieu de la foule).

Retour au chapiteau pour voir Deus qui vient de commencer. Son bien sale comme il faut, des petites saturations électrisées fouettées par une batterie féroce et une voix bien profonde du charismatique chanteur. C’est la classe à l’état pur ce groupe. En milieu de live, le pogo se fait. Je décide d’employer cette technique très nulle mais aussi très efficace  de la charge de troupeau de bison devant nous pour rogner 10 mètres. Ca fonctionne bien, on arrive au 3ème rang à droite de la scène. Devant nous, un vieil aigri nous engueule « arrêtez de pousser ! ».

Quelques culs secs de rouge qui tâche et qui perfore ton bide parce qu’il est servi à -5 degrés de température après, on se pose devant ben harper, les yeux fermés, à fond dans son art. Même si ses chansons m’ont toujours inspiré le bâillement, ca nous fait une petite pause sympa avant the gossip attendu de pied ferme (comme tout le reste de leurs corps à ces salauds de jeunes) par une masse fébrile de teenagers. Et Beth Diddo, l’exhibo obèso diva disco punk arrive pour un Listen Up qui nous cisaille les jambes. Je manque de perdre mes chaussures dans le pogo généralisé qui s’ensuit mais je tiens bon, les donzelles bootyshake, une anglaise filiforme se jette dans les quarterons de barbares sauteurs avec une furieuse hilarité. Nous on essaye juste de survivre, et quand Beth s’approche des barrières (non elle n’a pas fait de crowd surfing), la foule s’avance d’un seul coup vers elle ; assez désagréable cette sensation de ton corps qui se comprime sous l’effet de 5 mille personnes se resserrant sur toi pour gratter 20 centimètres entre eux et la chanteuse. Pour la dernière chanson, Beth débarque en soutif, culotte ; c’est la valse des bourrelets sous sa voix incroyable. C’est aussi ca le rock n roll.

On se pose à la plage pour se finir nos jetons au houblon. L’insupportable mix de Calvin Harris nous pollue les tympans. Repli stratégique.

Le retour au camping par la légendaire voix de chemin de fer abandonnée (3 bornes) est bien piteux comme il faut. Vers la fin, on aperçoit un hangar sur la droite. Tiens ben on va essayer de gagner ce petit monticule pour enfin marcher sur une surface plane et pas sur ces rails. Pas de monticule. Splurchage en règles dans des putains d’orties. Derrière nous, ca pouffe bien. Et merde.

 

Samedi :

 



 

 

La grande idée à 11 heures du mat’, c’est de trouver ce supermarché à 30 minutes de marche du site du camping. A la belle époque j’avais commis un rapatriement sanitaire d’un pack de 24 kros sous 30 degrés. Jeunesse intrépide.

Seulement, maintenant, avec une gueule de bois et 10 berges de plus dans le cornet, ca semble moins jouable. Le soleil commence à bien taper. On traverse le premier patelin. Des maisons aux jardins apprêtés se subsistent à des tôles grisâtres dévorées par des herbes folles, du métal décati et des panneaux décolorés époque Pompidou-ORTF. « Boulangerie de l’arc en ciel », « le club pizzeria »…pas de doute, on a le sens de la formule par ici.

Et puis arrive l’heure où nos panses se rappellent à nous. Apéro coca. On trouve un troquet. C’est le rendez vous des champions. Une espèce de Jackie Sardou qui nous gratifie d’un joli sourire découvrant une dent noirâtre. Elle a le chignon délavé et le débardeur tristoune. Une madre maquerelle de bobinard de campagne. Et sa petite troupe de suivants, vieux briscards aux trognes burinées de partout, peut être des soldats à la retraite habitués de la turne en souvenir d’un forfait  étreinte-turlute avec une des filles de madame, entre 2 manœuvres dans l’arrière pays.

Un vieux beau susurre une musique de pub. On les connait ces 4 notes mais d’où ? 10 minutes passent et je m’en rappelle. « Il porte le slip de DIM ». Oh la vache ! La vielle pub. C’est un peu irréel ce crooner hagard parcourant la gazette locale dans ce bistrot paumé. Pour le coup, on va jouer les duchesses et poser quelques grammes de matière fécale dans les gogues de ce palace.

Plus de p.q. Ca commence bien. Le toilette homme est fermé. Plus de poignée de porte. Juste des trous à la place. La lumière est bien blafarde comme il faut. Le bouton de la chasse est pété en deux. Le support à p.q. bave un collier de rouille, de la ferraille dont ne voudrait même pas une faiseuse d’ange sous Brejnev. Quelques nuggets de mouscaille plus tard et l’essuie tout des latrines rentabilisé. Mon pote Mathias y va à son tour. « Au suivant » comme disait Brel.

Un autre lover débarque. Moustache, lunettes noires, débardeur rouge sous veste cuir noire aussi. La casquette bien vissée, il déblatère quelque chose. On comprend un mot sur 15. C’est bienvenue chez les chtis ou quoi ?

Pizzeria time. On va juste à côté. Serveuse en mini jupe accorte. Hamburger à cheval, bien épais, bien ruisselant de graisse. Juste ce qu’il nous faut. Un des serveurs porte un maillot de la Juventus. Il a cette petite ligne de barbe finement taillée. On lui dit « merci Laurent ». Il se retourne violemment et corrige : « Non ! Pas Laurent ! Lorenzo ! »

 

Quelques minutes plus tard nous voici au Cora, centre culturel du village selon toute vraisemblance. Des hordes de jeunes festivaliers côtoient rombières et petites mamies indifférentes à ce cirque annuel. Tiens un caddie d’allemands à 4 bouteilles de rhum, 4 bouteilles de J and Bs et 6 packs de 24. On résiste à la tentation de faire une sieste au rayon surgelés pour nous rafraichir, on passe directement au coin liqueurs. Une vodka, un coca orange et deux canettes de burn (plus de redbull en stock). On connait pas cette boisson mais un festival, c’est aussi le plaisir de découvrir. Angélique, gironde caissière, nous salue et nous repartons finir notre trajet. Là c’est bien plus difficile. Des voitures passent, l’une d’elle, la vitre ouverte, une fille crie « Apéroo ». Un peu après, un molosse s’excite dans le jardin à notre vue. Ca part de tout les côtés.

Arrivés à la consigne, on a bien 10 bornes dans les chaussettes. On prépare les mix. Vodka jus d’orange et puis la deuxième…avec la fin du coca, la fin de deux bouteilles différentes de vodka et parce qu’il ne reste plus rien, les deux cannettes de burn. Tiens, ça a une drôle de couleur. Et le goût aussi. C’est comme un mélange d’eau gazeuse et de bonbon haribo. On mélange le tout et on teste. Un bon débouche-réacteur de dragster qui nous retire un mois d’espérance de vie à chaque goulée.

 

Il faut se mettre en route et on a juste le temps de faire la conaissance de nos voisins de tente, des bretons fort sympathiques qui nous offrent une bouteille de kro pour disserter sur la programmation et sur le festival en général ; ils apprécient l’ambiance mais regrette le côté machine à fric des stands privés de bouffe et compagnie. Ils nous indiquent une buvette artisanale juste avant d’arriver sur le site du festival.

 

On reprend la voie de chemin de fer, une despé et une grim dans la main. On la trouve la buvette et on entend des « hé voisins ! ». Ils ont pris la navette et sont déjà à s’arsouiller. Ils nous régalent et puis on leur rend la pareille. 5 minutes plus tard, encore une binouze. Le monsieur qui a installé sa petite affaire devant son garage travaille avec sa femme et sa fille, une gentille  lolita boulotte, portrait craché de sa mère, elle est matée avec concupiscence par la meute de punkeurs échoués sur le comptoir. Ca sent la saucisse des hot dog, des échos de borborygmes s’échappent des gosiers, le tavernier sourit : « à tes souhaits ! Héhé » il se marre dans sa moustache. Mon interlocuteur, passablement éméché (il est alors 5 heures de l’aprèm) me raconte son job de commercial. Oula, faut pas qu’on tarde.

 

 

A la plage pour Vampire Weekend. Ils arrivent. 2 types bien bourrés gueulent fuck you au chanteur. Ils se mettent à danser frénétiquement. L’afro rock des new yorkais pète bien comme il faut et pour un mélange des genres casse gueule comme ca, ca rend encore mieux. On descend notre breuvage de sorcière au Burn sur les ritournelles. Très belle prestation.

On arrive à la Loggia pour Midnight Juggernauts, des cousins musicaux des klaxons. Avec la bouteille qui se termine et la deuxième de mix bien entamée, on fait un peu la loi dans le pogo. Aucun souvenir du concert à part deux friponnes se frottant le pétard sur mon entrejambe. Mais bon, l’appel du pogo était trop fort.

On va tirer un peu de blé, on change les jetons et puis un kebab qu’on inonde de mayonnaise. Un délice des dieux : une viande tendre comme le pelage d’une loutre, des lamelles d’oignon cramoisies qui fondent dans nos palais multicolores et des rubans écarlates de poivrons et d’herbes venant me consteller le menton déjà luisant de mayo et de crème solaire mélangées.



 

Bien repu de ce nirvana gastronomique, on regagne la loggia pour l’électro pop de Santogold. Le peu qu’on voit me laisse une bien meilleure impression que l’album.

Mon acolyte éthylique comate dans l’herbe une bonne heure et demie et puis on se rejoint. Entretemps j’ai vu Nick Cave quasiment au premier rang. Une autre polissonne joue des coudes et des hanches pour gagner une place ou deux. Elle renifle la raie de tous les mecs. Elle est pas très jolie alors elle ne chope aucun retour. Regards de pitié des filles voyant son petit manège.

Le grand Nick arrive. Sombre démiurge de cauchemars, il récite sa litanie en maltraitant sa guitare. Get It on nous chamarre les neurones de son refrain torturé. Et puis ca passe très vite. Une ou deux chansons inédites et un No Pussy Blues superbe...

 

Au chapiteau, c’est les Wombats qui viennent de commencer. Toujours autant d’énergie et une bonne mise en bouche avant l’énorme concert des canadiens de Fucked Up. J’attendais beaucoup de leur part et c’était encore mieux. Le chanteur est une sacrée masse de barbaque qui hurle à la mort, se déshabille, s’allonge sur les amplis, bien servi par ses musiciens qui sautent partout, le faciès convulsé ; spéciale dédicace à la bassiste Sandy Miranda ; je suis monté sur scène pour lui offrir mon cœur et elle m’a embrassé sur la bouche, Sandy t’es géniale.

Dans la fosse, un gros nuage de poussières qui s’élève, tout le monde se saute dessus, ca surf dive dans tous les sens, la scène est envahie, on tapote la bedaine du chanteur pour se faire bénir son prochain plongeon dans  les spectateurs furibards, je lui mets dans le nez mon verre de bière, il se pourlèche les babines de la kro, peu après, il arrose la foule d’une canette qu’il éclate. Sandy se déchaîne sur son instrument, avec un grand sourire devant son ogre de chanteur.

On se prend quelques bières devant CSS et la charmante et peinturlurée Lovefoxx. Ils ont ré orchestré plusieurs de leurs chansons et je crois en avoir entendu quelques nouvelles. Un petit passage à la buvette familiale : hot dog devant la miss et une pinte. On repart lentement pour le camping. On a du mal à retrouver la tente. Malgré leurs promesses, les bretons pioncent. Nous on fait les princesses, un dernier godet devant une djembé session et au dodo.

Le matin, on se réveille par la pluie. 2 heures à attendre les navettes et le TER pour regagner la gare de Belfort. Une brasserie. On comprend pas le tôlier. Décidément. Posage de pêche et la révélation que le coup de soleil de la veille a transformé mon Mathias en un être turgescent. C’est le premier miroir qu’on voit en 3 jours alors on réalise un peu plus. Allez, plus que 5 heures de TGV…













Publié dans Concerts

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